Parfois, pour le petit-déjeuner, je me fais une tartine "caprice".
Pourquoi tartine "caprice" ? Parce que c'est une tartine gâchis : j'élimine impitoyablement le socle croûteux de la baguette, pour ne conserver que les côtés et le dessus dorés.
Et pour finir, j'y étale une abondante couche de beurre, sans me soucier aucunement de régime ou de modération.
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L'idée m'en est venue lorsque je me suis rappelé l'exquise tartine beurrée du Café de Flore. À l'époque où j'y allais très régulièrement, il fallait absolument commander pour son petit déjeuner :
• une tartine beurrée
Le café pot était servi dans un pot à café en porcelaine : certes, il n'arborait pas de mousse (contrairement au café expresso), mais il coûtait seulement 40 % plus cher que l'expresso pour assurer au client 3 pleines tasses de café. Appréciable quand on passait deux heures le cul vissé sur une banquette à lire le journal.
Ce petit-déjeuner de rêve constituait notre seul repas de la journée, et même pas tous les jours (vu le prix !!). Nous le dégustions au premier étage, dans les boiseries et le calme. On y était seuls entre amis, excepté, de temps en temps, les quelques interviews feutrées que donnaient Sophie Marceau ou Isabelle Adjani dans un autre coin de la salle.
Quant à la tartine beurrée, elle se composait d'une demi-ficelle (la ficelle, je le rappelle pour les plus jeunes, étant une fine baguette deux fois plus étroite que la baguette de 250 g) coupée en deux par le milieu mais verticalement, pas transversalement. De sorte que la partie croûteuse du dessous était répartie entre les deux moitiés. Et comme la ficelle était délicieusement dorée sans être cuite à l'excès, et qu'elle était abondamment beurrée, on n'avait aucun sentiment de frustration dû à la partie du dessous – qui est toujours moins appétissante que la partie du dessus.
Avec une baguette, il n'est pas possible de procéder ainsi. Elle est trop grosse.
Il faut donc adapter la méthode, alors je prescris pour ma part d'éradiquer complètement le socle de croûte.
Tout d'abord, choisissez une bonne baguette traditionnelle chez un bon boulanger :
@painrisien.com, 2015 (site de reportages très appétissants sur les très bonnes boulangeries françaises, pas seulement à Paris).
La boulangerie Turquier (cf. photo ci-dessus) m'a fourni ma baguette matinale. Avec ses deux établissements du IIIe arrondissement de Paris (rue de Turenne et rue Saintonge), Benjamin Turquier a gagné le concours 2015 du meilleur croissant au beurre AOC Charente-Poitou. Et il fait l'une des meilleures baguettes traditionnelles de Paris, avec une mie aérée et une croûte dense et dorée. Ses farines sont rigoureusement sélectionnées chez les meilleurs producteurs d'Île-de-France.
Voici ladite baguette, le dessous vers vous (dessous que nous allons supprimer sans vergogne) :
Ensuite, le secret est dans l'art de la découpe.
On se tranche un bon morceau :
Et là, on ne fait surtout pas l'erreur de couper transversalement !
Non, non, pas de ça ! Cela, c'est le gâchis maximum.
(Et pas pour autant le plaisir maximum, je vous l'assure ! Question d'attaque trop rêche sur la langue et le palais, et question d'épaisseur non optimale ^^)
Faisons autrement. Entaillons le dessus en plein milieu :
Puis on coupe en oblique : on évite la croûte du dessous et on obtient une tartine qui est exactement de la bonne épaisseur et du bon croustillant.
Idem de l'autre côté, en repartant du centre :
Et l'on se retrouve avec deux tartines parfaites, et un socle bon à jeter (ou alors à faire sécher complètement pour le mixer en chapelure).
Recto :
Verso :
On beurre largement :
Camille passe devant mon écran : "Baah elle est nulle, ta mousse !"
— T'as déjà eu une belle mousse avec du café soluble ?
— Euh non.
Peu importe, j'ai ajouté une goutte de crème pour vous faire un petit dessin sur le dessus, mais elle a coulé au fond. Du coup, j'ai touillé :
Je vais goûter cette tradition française, pour voir si c'est bon :
Trempette :
Bon, même si le pain reste bien croustillant et que je comprends que ça puisse plaire à certains, je préfère pain et café à part.
Vous voyez le dessous de ma tartine ? Sympa, non ?
Je retente la trempette pour être sûre :
Oui, c'est bon, mais moins bon que les deux séparés, je trouve.
En plus, ça salit un peu le café, je ne raffole pas.
Mais vraiment, miam : c'était un bon petit-déj des familles…
Et je n'ai quasiment rien mangé d'autre de la journée (c'était hier). L'abondance tranquille, mine de rien, ça vous cale. À moins que mes réminiscences ne m'aient conduite à suivre automatiquement le régime de ma jeunesse : une bonne tartine, un bon café, et puis plus rien jusqu'au dîner familial (en l'occurrence, une petite salade pimpante hier soir) !
Du coup, ce matin, pas un gramme de plus sur ma balance : toujours appréciable, non ? Je le referai à l'occasion, sans aucune culpabilité ! Si vous aimez le bon pain et le bon beurre, ne vous privez pas de ces délicieuses tartines…
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Si je petit-déjeunais, je me laisserais bien tenter!