Mon Dieu, la violence de ce déconfinement ! Pendant les deux trois premiers jours, j'ai eu le blues du déconfinement : un gros blues du 11-mai.
J'ai été malade pendant tout le confinement — en profitant quand même du silence extérieur et du chant des oiseaux, un vrai bonheur. Alors deux mois plus tard, j'ai eu du mal à me réhabituer aux excités irresponsables et insolents de santé qui crient, qui me collent et qui s'entremarchent dessus à la caisse du Franprix.
Mais allez, passons sur tout cela ! Cette assiette m'a sauvée, je ne peux pas l'oublieeeeer !!!
Elle a été le début de ma résurrection. :-)
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Pendant les deux mois de confinement j'ai été malade, une infection banale mais j'ai attendu 40.°C de fièvre avant de m'en occuper. Ensuite, je me suis cassé le nez sur le carrelage de ma cuisine, puis j'ai toussé et saigné du nez. Fatigue totale. Je n'ai rien mangé pendant tout ce temps-là, presque pas pu respirer, et encore maintenant j'ai du mal à redémarrer.
Depuis que je suis guérie, pfffff… j'ai comme un coup de mou : je me sens lasse, je n'ai plus de jus, plus envie de rien.
Je me suis assise, crevée comme un pneu de vélo, blette comme une vieille poire.
Heureusement que j'ai un Jiminy Cricket qui s'occupe de moi. Perché sur mon épaule, il me parle :
— Mais pense un peu à toi. Que voudrais-tu ?
— Oh rien, je m'en fous…
— Dis donc, mais tu déprimes.
— Pfff, j'sais pas…
— Ah si, t'es flapie. Il te faut un bon plat pour toi.
— Pfff…
— Si une assiette arrivait, là, devant toi, tu voudrais quoi ?
Mon visage s'éclaire.
— Un truc, j'ose pas le dire, c'est tellement pas à la mode.
— Dis-moi.
— Un truc SANS aucun mix de moelleux-croustillant-acidulé. Sans graines par-dessus. Sans herbes ni fleurs comestibles posées à la pince à épiler, pitié… Je veux de la vraie cuisine pour bébé… (je chouine comme un enfant qui n'a pas atteint l'âge de la parole).
— Soyons clairs, dis-moi quoi.
— Un truc doux, doux, doux ! Juste DOUX !
— Du genre ?
— Des nouilles complètement crémeuses, toutes douces avec de la crème et du gorgonzola fondu dedans.
— Des nouilles, tu veux dire des pâtes ?
— Ouiii (je geins), mais dans ma famille on disait des nouilles.
— OK. Mais il faut grandir tu sais, aujourd'hui tout le monde dit des pâtes.
— Ah d'accord, alors je voudrais des pâtes avec de la crème et du gorgonzola.
— Bon, mais sais-tu que ça peut se faire très facilement, ça ?
— Ouais, pffff, nan, j'sais pas…
— Tu vas m'aller à ton Franprix tout de suite. Tu as déjà des pâtes et de la crème, tu vas m'acheter un bon Gorgon. Et même un Gorgon moyen ce n'est pas grave, de toute façon tu le feras fondre dans ta crème, ce sera très bon.
Fffffff… j'hésite devant toutes les tracasseries à affronter pour m'offrir mon caprice.
Allez, go ! Je prends mes affaires, mon masque, ah mais suis-je sotte, je n'ai plus besoin de l'attestation bureaucratique que j'ai imprimée pour rien, ah mon Dieu ce que c'est fatigant d'être tout le temps adulte, je veux redevenir un bébé moi, c'est tout.
(Jiminy me dit : "Oui, oui, on sait ! Va chez Franprix, nom d'une pipe !")
Alors j'y vais :
Des caissières adorables, mais un monde fou, du jamais vu à cette-heure-là !!! (… fin de déjeuner-début de sieste, d'habitude à cette heure-là il n'y a personne !).
Bon là, si par malheur je ne trouve pas de gorgonzola, maintenant que je suis motivée plein pot, je suis capable de trucider quelqu'un.
Merde, pas de gorgonzola.
Je regarde les gens. Ils sont mignons, jeunes ou vieux, tous attachants (euh, enfin une petite moitié). Oh miracle : un Gorgon isolé planqué bien au fond. Tant mieux pour les clients, ils vivront !
Je prends le paquet et je passe à la caisse.
En le déballant à la maison, je sens que ça va me faire du bien, je remercie déjà Jiminy.
Mais je suis toujours crevée et je le dis à haute voix.
Jiminy me dit : "Tais-toi, mets ta casserole à bouillir, tu veux quoi comme pâtes ?"
— Euh, des tagliatelles. Et puis, des capellini n° 3. Et peut-être des linguine aussi, mélanger les pâtes ça m'amuse.
— Ah c'est juste pour t'amuser ?
Je baisse la tête :
— … et ça retient mieux la sauce.
— Mais tu as raison, c'est parfait ! Pense à faire chauffer doucement la crème et le fromage pendant la cuisson de tes pâtes.
— Voui vouiii !
Je procède : je pèse les différentes catégories de pâtes, et je me fais un pense-bête d'échelonnage des temps de cuisson.
Et là, je vais vous montrer ce qu'il ne faut surtout pas faire :
1) prendre bêtement du St-Agur parce que vous ne trouvez pas de gorgonzola. Quelle erreur ! Rappelez-vous que RIEN ne remplace la tendre douceur du gorgonzola. RIEN !!!
2) oublier de filtrer le fromage, alors là patatras ! Si vous ne le filtrez pas, il sera amer et aigre, à cause des morceaux de moisissure qui tournent mal à la cuisson. On a dit crémeux, il nous faut CRÉMEUX, donc FILTRÉ !
En images, voici la bévue à ne surtout pas commettre :
Pâtes au Saint-Agur non filtré ? Aïe !!! Assiette hyper décevante.
Donc, revenons à nos moutons : nos pâtes à cuisson échelonnée, et notre gorgonzola, dûment filtré.
Vous vous devez de goûter le Gorgon sur un petit morceau de pain frais pendant la cuisson des pâtes, afin de mieux réfléchir à la suite :
Mais il n'est pas dégueu, dites-moi ! Même très bon, tenez.
On met le reste à chauffer sur feu doux, j'ai enlevé la croûte pour plus de douceur. Et ajouté un peu de crème liquide à 12.% de MG.
Les pâtes sont cuites. Je les retire du feu et je les prélève avec une pince. Je garde l'eau de cuisson dans la casserole, of course, au cas où j'aurais besoin de fluidifier par la suite.
Et je filtre :
Voilà : considérant ce qui reste dans la petite passoire, vous voyez que le filtrage était vraiment nécessaire.
Ça s'annonce bien, non ?
J'ajoute un peu d'huile d'olive pour le goût :
Mmm… Bien chaud, la vapeur me monte au nez. On goûte ?
En vrai, la bouchée était grosse, je n'en ai pris que la moitié.
Sluuuurp !
Ouh, c'est atrocement bon.
"… Encore ! Encore… !", chouine le bébé.
(On remet un peu d'huile d'olive, ça ajoute énormément de saveur : une perfection.)
Je savoure chaque bouchée bien chaude et glissante.
C'est d'une onctuosité totale, bien que les pâtes soient parfaitement al dente (bravo à Barilla pour l'estimation de ses temps de cuisson, pour moi c'est optimal) :
Le monticule descend vite, pire que la fonte des glaciers du Pôle Nord :
Tiens, mais j'en oubliais Jiminy, moi !
Il intervient :
— Alors, c'est bon ?
— Super bon, oh miam… voui voui… hmmmm. Merci Jiminy.
— Ne me remercie pas, de manière générale je préfère que tu m'écoutes.
— OK d'accord.
— Bon, à la prochaine ?
— Oui, et encore merci.
— Que viens-je de te dire ?
— Ah pardon : tout ce que vous voudrez, maître.
— Pas d'insolence non plus ; allez, savoure.
Je n'ai rien répondu, je m'en fichais, je mangeais mes pâtes ultra crémeuses, et elles m'ont fait beaucoup de bien. J'en ai outrageusement profité, d'autant qu'il y a des chances pour que cet afflux soudain de nourriture me rende malade, non ?
En quelques minutes, je ne suis pas vraiment redevenue bébé. Mais adulte paisible, assurément si.
Quand vous êtes fâché ou fatigué, essayez donc une bonne assiette comme la mienne… Écoutez un peu votre Jiminy… ?
Je vous souhaite de vivre ce plaisir, pas compliqué et si réconfortant : c'est comme un câlin reçu par le dedans. Tellement crémeux et doux-doux-doux…
Ah ouf, je suis une autre personne !
PS - Et je n'ai pas été malade, nananère ! (alors qu'avec le St-Agur, euh…)
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Toujours écouter l’enfant qui est en nous! Sinon je déteste le saint agur froid ou chaud je trouve qu’il sent l’étable à vache, le purin, je ne sais pas...
Le gorgon pue aussi quand on le chauffe. J’ai invité une fois de la famille, qui ne connaissait pas les sauces au roquefort etc... avec les steaks( c’était il y a très longtemps...). J’ai voulu innover avec des steaks au gorgonzola. P... l’odeur dans la maison!!! Mais c’était tellement bon!!!