Vers l'âge de 18 ans, j'ai acheté mon premier "sandwich grec" chez le meilleur faiseur de sandwiches grecs du Quartier Latin. Pour moi, cela a été le coup de foudre instantané, et le début d'un amour de plusieurs années : il faut dire, quel pique-nique incomparable !
Croyez-moi, avec ce kebab, vous puerez du bec mais ce sera sans regret.
Pour ce qui me concerne, outre que mon Grec d'antan était unique et inégalable, trois raisons décisives :
1) Pour l'hygiène. Il semblerait que le sandwich d'échoppe que l'on nous offre aujourd'hui puisse présenter, hum, disons divers contenus que vous ne pouvez pas contrôler. Tenez, juste pour le plaisir, laissez-moi vous proposer un petit lien très... miam-miam : dans un forum très intructif et parfois très drôle, figurait ce thème Le kebab au caca et le sandwich sauce urine... qui renforcerait plutôt l'attraction des sandwiches maison, n'est-ce pas ?
2) Pour contrôler de A à Z le choix des ingrédients. Ceci, vous le savez déjà si vous êtes l'heureux gérant d'une échoppe de kebab : rien de plus simple que d'acheter chez les grossistes des broches de viandes variées pesant de 5 à 60 kg, pour quelques petits euros le kilo.
Mais du coup, si vous êtes le consommateur final (que je suis et que vous êtes sans doute également), la qualité, les adjuvants et jusqu'au type de la viande sont sujets à caution.
En effet, les broches pour döner (= les broches pré-empilées de viande épicée prêtes à griller au tournebroche vertical) d'agneau sont bien plus chères, plus rares sur le marché et beaucoup moins vendues aux débitants que les broches pour döner de dinde, poulet ou veau. Néanmoins, par la grâce magique du commerce, nous trouvons des döner d'agneau absolument à tous les coins de rue ! Explication parmi d'autres : il semblerait qu'il soit possible de trouver parfois une queue en tire-bouchon bien planquée dans la masse du döner d'agneau. Cool, non ?
Petite citation extraite d'un compte-rendu de test réalisé en Suisse romande, qui me fait encore plus préférer mes kebabs à moi : "A Berlin, l’automne passé, il a fallu faire respecter la loi. Certains vendeurs de kebab ne mettaient que 20% de viande dans leur préparations, alors que l’Ordonnance allemande sur les denrées alimentaires en impose 60%. Le reste, c’est du gras, des liants et des épices."
Toujours selon la même source, selon Christian Richard (j'ignore qui est ce brave homme, probablement une huile en la matière, peut-être un ministre suisse ?), voici la définition d'une tromperie : "Dans le cas où le commerçant ne déclare pas une espèce animale qui se trouve dans cette viande de kebab. Ou dans un autre cas, lorsque la viande qui était déclarée dans ces kebabs ne se trouve pas présente."
Tout à fait d'accord. (Au secours ! Que trouvera-t-on bientôt dans nos kebabs ?)
Car c'est là qu'ils font un test édifiant en Suisse romande. Une bonne nouvelle tout de même dans les conclusions : pas de microbes ou cochonneries notables. Mais deux mauvaises nouvelles : 1°) Trop de gras dans 15 échantillons sur 17. 2°) Et dans beaucoup trop de cas, une viande autre que celle annoncée : "Le constat est sans appel: sur 17 kebabs, 11 trompent le client sur la marchandise vendue !"
(Dites, ils sont costauds, les Suisses : imaginez-vous que dans cet article, ils donnent les noms et adresses des échoppes fautives !)
3) Pour se régaler de façon incomparable : ça c'est ma troisième et dernière raison de préférer le kebab maison, alors cela je l'affirme haut et fort ! Autant je n'ai jamais mangé le top du MacDo ailleurs que chez MacDo, autant je mange désormais des kebabs bien plus divins chez moi que chez un vendeur de kebabs.
– En échoppe :
Le pain des kebabs que j'ai achetés récemment dans des échoppes est soit un gros pain à la fois trop épais, trop sec, trop gras, avec de toutes petites alvéoles d'air (trop petites), et où l'on ne sent pas assez (ou pas du tout) l'arôme de la levure de boulanger, soit une pita et dans ce cas elle est trop sèche, trop grasse, etc. Rien ne m'a plu en matière de pain.
La viande était atroce : des copeaux ultra fins d'une matière grasse, insipide, sèche, et d'origine impossible à identifier.
La sauce blanche se rapprochait davantage de mes souvenirs, mais sans l'égaler.
Trop peu d'oignon vert et de salade pour rafraîchir l'ensemble. Pas la bonne température en plus, le sandwich n'était pas chaud comme j'aime, avec ce contraste super agréable entre pain et viande bien chauds et végétaux bien frais et croquants.
Et toutes ces grosses frites grasses balancées par-dessus ! Vraiment à vous dégoûter.
– Chez moi :
Je n'ai rien contre les frites si vous les jugez indispensables, même si mon Grec, lui, n'en faisait pas. Mais alors, tant qu'à en faire, on en fait des très bonnes, qu'elles soient grosses ou petites :
Pour le sandwich lui-même, travaillons sérieusement. Fabriquons un sandwich de rêve. Ne pensons même pas dignité à table, encore moins esthétique de notre mastication... Pensons juste plénitude, gourmandise absolue. Focalisons-nous là-dessus : on veut du bon, de l'excellent, tout le reste on s'en fiche.
Résultat final, je vous le dis tout de suite : en termes de dignité =. –.30/20, parce qu'il faut se désarticuler la mâchoire pour bien en profiter, mais alors en termes d'esthétique... pffff, là y a plus de mots =.–.∞/20, à cause de la sauce qui coule partout autour de la bouche.
D'abord j'ai reconstitué la sauce blanche pour kebab : en fait, contrairement à ce que j'avais toujours cru, il n'y avait pas de mayonnaise dedans. Pas une trace !
Grâce à Internet, j'ai découvert à base de quoi elle était faite et, à partir de plusieurs versions différentes, toutes testées puis réarrangées pour en faire une sauce unique et sublime, j'ai élaboré celle que je trouve la meilleure et que je vous recommande chaleureusement : ses ingrédients sont faciles à trouver dans votre commerce du coin, et c'est vraiment de la bombe dans un sandwich à la viande grillée. J'ai mis une cuillerée de mayonnaise, c'est parfait.
Ma sauce blanche pour kebab :
– 1 yaourt à la grecque
– 1 CS de mayonnaise
– 1 trait de vinaigre (superbe ajout à la recette originale, qui n'en contient pas)
– piment doux
– oignon vert haché
– ail moulu déshydraté
– menthe déshydratée ou fraîche (peu importe, aussi bon l'un que l'autre)
– persil plat (mais impérativement frais, là !)
– sel, poivre
– ce que vous voulez d'autre ! (Par exemple une lichette de tomate, ou de concombre, etc.)
Pensez à mettre pas mal de végétaux dans la sauce (ou pas forcément mélangés dans la sauce d'ailleurs, mais incorporés dans le sandwich en tout cas), ça rend la chose bien plus intéressante, ça relève ! Quelques feuilles de salade fraîche sont indispensables.
Sans rôtissoire à döner, comment fait-on ? Suffirait-il de jeter dans la poêle une tranche de gigot d'agneau débitée en lamelles ? Eh non, désolée. J'ai essayé, c'était très moyen. Sans doute aurait-il fallu compenser ce mauvais choix par une marinade prolongée, pour donner du goût et pour attendrir la viande.
Si vous voulez une saveur parfaite, il vous faut une pièce spéciale : le gigot ou l'épaule. Ou n'importe quelle partie pas trop grasse et comportant un os.
Compliqué ? Non ! Au contraire.
Car le mieux (le top du top pour le goût et la texture grillée) est aussi par miracle la chose la plus pratique pour tout cuisinier du dimanche et de Pâques : lorsqu'il vous reste un os de gigot encore un peu en chair mais dont on ne peut même plus tirer de la chair une tranchette convenable, vous avez dans les mains la base idéale pour votre kebab maison.
Moi, en tout cas, je pense très fort au kebab dès qu'il me reste un reste d'agneau avec un peu de chair pas très présentable – mais hautement comestible – accrochée à l'os :
Vous rallumez le four et vous recuisez l'os avec la chair dessus. Pas trop fort, à distance du gril par exemple, ou alors de la façon la plus standard qui soit (par exemple à 175 °C chaleur tournante comme je fais moi-même avec succès).
Ci-dessous, cela irait comme morceau (souris d'agneau), mais ça n'a pas été recuit depuis la première cuisson, alors il faut repasser tout cela sous le gril pour que ce soit bien chaud, un peu confit :
Pour moi, sans hésiter, une baguette bien française : ouverte classiquement tout du long sur le côté avec un couteau !
(J'ai essayé la version hot-dog en laissant le pain fermé et en extrayant la mie avec un vide-pomme, mais c'est archi décevant parce qu'on a trop peu de contenu dans le pain et pas d'ingrédients en désordre pour vous fouetter le coin de la joue.)
Mais attention, pas trop croustillante, la baguette. Sinon on se fait mal au palais si on a le palais délicat. Pour moi, la baguette à kebab doit être bien moelleuse et bien parfumée à la levure de boulanger, comme certaines baguettes qu'on trouve en grande surface, juste sorties du four. Ces baguettes-là, pour le pâté ou le fromage, elles ne vaudront jamais une baguette traditionnelle. Mais elles sont parfaites pour un bon kebab.
J'ai essayé avec une pita. Mais bof. Pas assez moelleux à mon goût :
Meilleur dans un bun à burger, c'est tellement plus tendre :
... mais un disque non fermé, avec la sauce qui fait tout glisser de tous les côtés, ce n'est pas très pratique à manger ! Les deux premières bouchées, ça va, mais dès la troisième on en met partout, et pas seulement sur soi :
J'ai même essayé la crêpe bretonne !
Le sarrasin, c'est bien, mais les trous, pas franchement idéal :
Je ne sais pas si on s'en rend compte, mais là, ce qui sort par les trous, c'est de la mayonnaise. Je n'avais pas encore compris qu'il fallait mettre du yaourt grec.
C'était en vacances d'été en Bretagne, j'avais eu envie de me consoler de mon mauvais kebab du commerce par une "galette à la grecque faite maison". Pas si mal que ça, n'empêche : à réessayer en améliorant diverses petites choses.
Bon, tout de même, je préfère définitivement la baguette française.
Celle-ci était un peu trop croustillante pour le confort buccal, mais tellement divine au goût ! A la fin, j'avais les mâchoires en compote. Je n'ai plus rien mangé de la journée (c'est d'ailleurs là aussi une chose à considérer : faire tant d'efforts de mandibules et se délecter autant, ça rassasie pour longtemps) :
S'il est très épicé, pensez à accompagner votre kebab d'une boisson lactée : l'ayran.
(Car tous ceux qui l'ont expérimenté peuvent en témoigner avec reconnaissance : en cas de brûlure de piment comme en cas de piquant excessif d'épices, rien ne vaut le lait ou le yaourt pour apaiser le feu !)
Sinon, faites comme moi : un bon vin blanc.
Un vin blanc, sur l'oignon, la viande et la sauce, ça c'est l'haleine de chacal assurée, mais après tout on n'a qu'une vie, non ?
Bien sûr, je vous embrasse chacun et chacune, aussi longuement que vous le voudrez, pour vous en faire bien profiter.
Article initialement publié sur le site de la Fureur des Vivres (le 10 avril 2009).
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il déconne ton lien :-)
il faut aller ici :
http://www.fureurdesvivres.com/news/mon-kebab-maison